De chaque « oui », Dada voit le « non » corrélatif. Dada est oui-non : un oiseau sur ses quatre pattes, une échelle sans échelons, un carré sans angles. Dada comporte autant d'éléments positifs que négatifs.
T. Van Doesburg
Ni-ni : un théâtre qui ne rentre nulle part, ni dans une catégorie, ni dans une autre. / manifeste 2009/2011.
Néo-Flux-théâtre oui, parce qu'il est pour l'abandon de l'intention et que lorsqu'il ne se passe rien il se passe toujours quelque chose ; mais non parce qu'il dissimule aussi l'intention coupable d'abandonner le théâtre à lui-même, de cesser de lui venir en aide, également parce qu'il est convaincu que quand il se passe quelque chose, la plupart du temps il ne se passe rien.
Néo-Dada théâtre oui parce qu'il est contre l'art, contre la méthode, pour l'expérience du monde concret et pour et contre les bruits; mais non parce qu'il n'en a pas encore fini avec l'exploration de la méthode contre l'art, avec l'exploration de l'art contre la méthode, avec l'exploration des bruits concrets.
Théâtre brut oui parce qu'il est pour l'impulsion d'un geste immédiat, vierge, non conforme, non destiné, non conditionné ; mais non parce qu'il sait bien qu'il subit sans le vouloir l'écrasement de toute part des logiques aliénatoires dont nul (rien ni quiconque) ne peut plus (être conscient ni) l'en préserver, sauf à demeurer dans un trou (le terrier ou la cellule) d'où plus rien ne pourrait affleurer ni parvenir sans être aussitôt menacé de dénaturation ou récupération.
Un théâtre concret oui qui tendrait à percevoir sans modifier, sans intervention ni transformation un théâtre où la vie seule et le quotidien prendraient part dans une logique de défilement présent ; mais non parce qu'il est encore aspiré et inspiré par des principes de défamiliarisation, curieux de la venue d'un déferlement transrationnel, et dans l'attente extatique d'une langue d'outr'entendement...
Théâtre post-constructiviste oui parce qu'il veut bien exclure le réel de l'œuvre de même que tout ce qui pourrait encore s'y référer en créant une tension extrême à l'intérieur du corps de la représentation. Et c'est à une méticuleuse articulation ou conjonction des éléments et des formes qui y sont présents qu'il fait appel; qui plus est, l'espace y est traité comme une substance en-soi qui génère sa propre puissance d'apparition. mais non parce qu'il est bien conscient que la seule chose qui le concerne est le réel en tant qu'il pourrait faire retour et que les intensités dont il est traversé se fondent aussi bien sur une disjonction et une inadéquation aussi parfaite qu'épisodique des éléments en présence, et non parce qu'on ne peut adhérer à une logique de construction, comme s'il s'agissait d'un simple fétichisme de la raison/machine, parce qu'on ne peut prétendre avec règles et compas, et autres surdéterminations se substituer au désordre du monde et non bien entendu parce qu'il n'y a pas d'en-soi de l'espace et que la possibilité d'un construire dépend avant tout de la possibilité d'un séjourner.
Un anti-théâtre tel que nous le désignons dans l'improbable représentation - menant une lutte éperdue contre lui-même - cela veut-il dire qu'il s'agit d'un théâtre nihiliste ou empreint d'un pessimisme radical à l'égard de lui-même et de l'absence d'objectifs à laquelle il serait assigné (qu'il ne pouvait que se fixer), ou s'agit-il simplement d'un théâtre qui s'exerce au néant, à la fréquentation des ruines ? Ni l'un ni l'autre évidemment et s'il connaît une ruine intérieure, c'est un chemin qu'il ouvre vers un accès à l'inconnu. "Il est malheureux de ne plus posséder que des ruines, mais ce n'est pas ne plus rien posséder, c'est retenir d'une main ce que l'autre donne."
A. Forestier