Cabaret Voltaire

Cabaret Voltaire est la première pièce de la compagnie les endimanchés et marque donc son origine en tant qu’équipe de création théâtrale et musicale. Elle est le fruit d’un travail de recherche et d’une pratique qui remonte aux endimanchés primitifs, lesquels ont ensuite décliné leur projet en différentes formations, c’est ainsi que six personnes ayant déjà une pratique musicale commune se retrouvent dans cabaret Voltaire (Ali Boudrahem alias Potzi,  Alexis Forestier, Bénédicte Grimault alias Belle du Berry, François Jeannin, Antoine Mathias alias Tonio, Moïra Montier-Dauriac ; Potzi et Tonio seront ensuite remplacés par Eric Loutis)

Par ailleurs la pièce est l’occasion de rencontres avec différents complices :

– la danseuse Véronique Defranoux chorégraphie les danses du spectacle et sera remplacée ensuite par Claire Haenni qui elle-même chorégraphie certaines séquences.
– le musicien et chef de choeur Philippe Allée avec qui est mené un travail de complicité et de recherche musicale ;
– le comédien Laurent Jacquet, ami de longue date ;
– Pierre Gerbaux, architecte de formation qui était également un des membres fondateurs des endimanchés  primitifs ;
– Jean-Luc Dorchies, historien de l’art et photographe, remplacé ensuite par Peter Platiel puis par Antoine Lengo.

Il est à noter que Cécile Saint-Paul – avec qui se construira dans une relation très étroite les vingt années suivantes de la compagnie – réalise l’affiche de Cabaret Voltaire.

La pièce est le fruit d’un travail de recherche sur la questions des avant-gardes et de leur relation avec les formes scéniques, recherche initiée par Alexis forestier à l’Ecole des hautes études en sciences sociales dans le cadre d’un enseignement en ethnomusicologie… un projet de mémoire mené sur la complainte populaire, puis l’expressionnisme allemand et enfin sur le « genre populaire » dans le théâtre de Brecht, conduiront finalement à l’écriture de Cabaret Voltaire, libre adaptation du journal d’Hugo Ball, La fuite hors du temps, non encore traduit à l’époque et dont Michaël Peterli et Alexis Forestier entament une traduction avant que le journal ne soit publié aux éditions du rocher, en 1994, dans une traduction de Sabine Wolf.

La première version (inachevée) de Cabaret Voltaire est jouée à la Maison de la culture de Nevers pour le festival de Nevers à l’aube, puis au théâtre Jean Vilar, de Suresnes au Centre Culturel Suisse à Paris,  au Kunsthaus à Zürich, au théâtre de Bienne et au Centre culturel de Mont Saint-Aignan.

 

PRESENTATION

Zurich – 1916 – Hugo Ball ouvre le Cabaret Voltaire dont le principe réside en un rassemblement quotidien, musical et poétique.
Durant six mois se réunissent des jeunes gens venus de différents pays d’Europe. Ayant en commun l’horreur de la guerre, ils mettent en cause l’homme et la société occidentale moderne et vont n’avoir que plus de raison d’en prendre le contre-pied. ‘
La Suisse, terre d’exil pour la plupart d’entre eux, constitue à la fois une protection et un enfermement d’où vont naître l’abstraction et la révolte; le Cabaret Voltaire devient le théâtre d’inventions quotidiennes et de turbulences manifestes. Dans ce contexte naît le Dadaïsme.

La fuite hors du temps, journal d’Hugo Ball (1913/1921) constitue le support principal de la pièce.
En 1913 Hugo Ball décrit le monde et la société comme des systèmes « aliénés, inextricablement et totalement » et pose la question d’un autre monde possible. Peut-on sortir de la léthargie docile qui, de jour en jour devient plus alarmante autant qu’irréversible ? Ses explorations sont multiples, tournées vers le théâtre comme moyen d’édifier la nouvelle société, 1a politique, les théories anarchistes ; mirages successifs qui le conduiront à voir dans l’isolement un moyen de se soustraire aux dérèglements de son époque. Entre temps il y a le Cabaret Voltaire où au beau milieu de l’infantilisme et de l’absurde dans lesquels l’homme a sombré avec la guerre tout est encore possible.

Dada, formé sur les bases d’une réalité brutale a intégré à ses modes de représentation les signes symptomatiques de son époque troublée par le climat de la guerre — dérision, absurde, négation – et en a fait ses propres armes. Dada en contestant le langage et les asservissements de la culture, en provoquant le scandale, eut le double pouvoir de décoder la réalité et de la mettre en critique instantanément par son geste et sa « parole en liberté ».

Le spectacle Cabaret Voltaire a connu différentes versions depuis sa création en juin 93, dont une en langue allemande présentée à Zürich dans le cadre de l’exposition « Dada Global ». La proposition qui n’a été jouée que ponctuellement, a pris le parti de conserver un caractère inachevé, une souplesse d’expérimentation d’une programmation à l‘autre. La pièce s’interroge sur les débuts du mouvement à Zürich, le climat de leur genèse, les modes de représentation dadaïstes – notamment le simultanéisme – et leur mise en pratique au théâtre. Elle met en parallèle une conférence, la lecture d’extraits du journal d’Hugo Ball, les expériences du groupe zürichois et en contrepoint les réactions parfois hostiles suscitées par le noyau dada.

Cette séparation des éléments est construite à partir d’un montage de textes poétiques de Else Lasker-Schüler, Emmy Hennings, Blaise Cendrars, Tristan Tzara, Richard Huelsenbeck, Vassili Kandinsky, Leonid Andreev…, de musiques empruntées à un répertoire classique ou populaire et de parties chorégraphiées. Les différents plans se mettent en perspective, se parasitent ou se superposent avec indifférence ou brutalité. Il se crée entre eux un système de relations et de confrontations qui plutôt que d’imposer au spectateur une lecture unique, lui offre un éventail de possibilités interprétatives.

Le principe du spectacle veut, comme le poème simultan dont il s’inspire exposer le conflit entre la voix humaine et le monde qui la menace, l‘infiltre et la détruit sans qu’elle puisse échapper à son rythme et au déferlement de ses bruits.

 

PROPOSITION DE JEU

Notre évocation du Cabaret Voltaire est le fruit d’interrogations sur le début du mouvement à Zürich dans son rapport avec les formes scéniques. Tout en évoquant les manifestations spontanées du Cabaret, nous nous interrogeons sur l’image complexe formée par les positions et la praxis des fondateurs de Dada, vis à vis de la guerre et de la société ; les interventions proposés par les protagonistes du Cabaret, les réactions de leur public, le point de vue critique d’Hugo Ball mêlé de scepticisme à l’égard de leurs propres expériences. Le spectacle met ces différents plans en abîme. Ainsi la représentation des exubérances du groupe et des réactions qu’elles suscitent est tempérée par un principe scénographique schématique et un mode de jeu distancié relatif aux considérations d’Hugo Ball. Ces différents plans fonctionnent de façon apparemment indépendante, se juxtaposant ou s’interrompant mutuellement.

Bien que n’étant pas l’unique source, le journal d’Hugo Ball induit la structure du spectacle et oriente le propos en fonction de la lecture que nous en faisons ; La Fuite hors du Temps révèle un cheminement de pensée que nous tentons d’inclure au développement de la pièce ; une conférence qui débute et interrompt le spectacle reflète le parcours idéologique et politique d’Hugo Ball en citant des extraits de son journal antérieurs puis ultérieurs à la période du Cabaret Voltaire. Le chapitre consacré au Cabaret, quant à lui est le fil conducteur de la représentation ; la lecture qui en est faite est illustrée ou commentée par le jeu, le programme musical, les différentes situations scéniques. La multiplicité des moyens d’expression utilisés au Cabaret Voltaire implique une tentative de synthèse théâtrale incluant la poésie et la musique, la danse et le mouvement, l’utilisation de masques et de costumes.

Note sur la musique et la Danse

Au Cabaret Voltaire, Hugo Ball pianiste interprète des partitions, compose lui même des pièces « improvisées sur place », fait intervenir différents orchestres populaires présents dans la ville de Zûrich. Des soirées aux tonalités diverses, intitulées nègres ou françaises succèdent aux soirées russes et l’on entend se côtoyer Liszt et Aristide Bruant, des chants révolutionnaires et Scriabine. Un des aspects de la subversion, sur le plan esthétique, provient de ces rapprochements musicaux insolites, de ces phénomènes d’appropriation et de détournement multiples. La danse s’introduit principalement grâce aux masques réalisés par Marcel Janco. Ceux-ci eurent un pouvoir « immédiat sur le petit groupe ». « Réclamant non seulement le costume, ils imposaient des gestes précis, pathétiques, frôlant la démence» et ont conduit à l’exécution de danses « tragiques et absurdes » à la fois. Notre évocation du Cabaret Voltaire s’accompagne d’une recherche musicale et chorégraphique. Des compositions et des danses originales ponctuent le programme. En premier lieu, nous avons réalisé un montage de musiques apparemment inaptes à se rencontrer (pièces classiques et musiques traditionnelles populaires, chants africains et musiques martiales ou militaires,…) ; nous avons ensuite élaboré notre partition originale en effectuant sur ce matériel un travail d’écriture ou d’improvisation et réalisé un assemblage entre cette partition et les textes qui y sont inclus, scandés, chantés et parfois dits simultanément de manière à leur conférer une valeur proprement musicale. Les chorégraphies sont construites à partir des thèmes cités par Hugo Ball ; « Cauchemar », où « le danseur émerge d’une position accroupie pour s’élancer droit devant lui, la bouche du masque est grande ouverte, le nez épaté et de travers…», « L’attrape- Mouches », « avec ce masque-là, on dansait lourdement, tapant des pieds et on levait les bras d’un geste large et rapide comme si on voulait attraper quelque chose au vol ».En référence à l’interprétation dansée par Sophie Taeuber-Arp des poèmes syllabiques d’Hugo Ball, nous tentons l’expérience d’une chorégraphie d’un de ces poèmes où la construction de la danse se fait sur les phrases sonores en relation directe avec le mot, où « chaque particule de celui-ci prend une vie étrange, lisible sur le corps cent fois subdivisé de la danseuse. »

 

 

PRESSE

Conception et mise en scène : Alexis FORESTIER

Avec
Bénédicte GRIMAULT
Claire HAENNI
Moïra MONTIER DAURIAC
Philippe ALLEE
Alexis FORESTIER
Pierre GERBAUX
Laurent JACQUET
François JEANNIN
Eric LOUTIS
Peter PLATIEL / Jean-Luc DORCHIES

Chorégraphie :  Véronique DEFRANOUX, Bénédicte GRIMAULT
Musiques originales :  Ali BOUDRAHEM, Antoine MATHIAS
Lumières : Vincent PAOLI
Son : Agnès LUQUET
Collaboration artistique : Cécile SAINT-PAUL